Dire au revoir après 7 années engagées au service de la grande précarité…
Je suis assistant de service social de formation. Je suis arrivé en 2017 pour un remplacement de 3 semaines/ 1 mois sur le dispositif Insertion FAMILLE, puis je suis passé en CDI sur l’insertion JUSTICE, puis l’Hébergement temporaire, puis l’Accompagnement Logement auprès de personnes déjà locataires ou en sous-location. J’ai fait tous les dispositifs pour accompagner l’insertion de personnes en situation d’exclusion ! Je me suis nourri de tous les collègues, des dispositifs !
Je retiens l’accueil bienveillant que j’ai reçu à L’Etape Insertion et dans l’association, je me suis senti reconnu comme une personne à part entière et pas un simple remplaçant.
C’est sûr ! Mais à L’Etape Insertion, il y a un vrai effort pour essayer de faire du travail social de qualité : on nous donne les moyens de faire des réunions fonctionnement, de l’ADP (séances d’analyse de la pratique), des temps de synthèse avec une psy, de travailler en binôme. Vraiment, on reconnait la complexité du travail social, la pénibilité du travail social. L’asso met les moyens. Et cela permet de prendre de la distance.
Par exemple, on a tous suivi la formation sur la psychothérapie institutionnelle. L’Etape met de l’argent pour que tout le monde prenne sa part : secrétaire, agent entretien, comptable… on nous forme pour qu’on travaille ensemble. Les fonctions support sont des collègues de l’équipe, il y a tout le temps du lien !
J’ai un respect profond pour les fonctions support, elles ont une vraie fonction dans l’accompagnement. Petite anecdote, qui tourne encore dans l’équipe… Je me rappelle : j’avais dit à mon collègue R. : « Il faut que j’en parle à la secrétaire »… Il m’avait répondu : « Elle s’appelle *Valérie ! ». Ca veut tout dire !
Tous ensemble, on arrive à avoir une qualité de travail incroyablement riche, ça permet de travailler sur la juste proximité car on croise nos regards en permanence, on échange, on ajuste…
Dans le travail social, on fait signer pas mal de documents : le contrat de séjour, le règlement intérieur… Mais ces outils sont toujours mis au service des gens et pas seulement pour respecter le cadre légal ! Ca permet de mettre la personne au centre, il y a un vrai respect de la personne hébergée, une reconnaissance de sa différence, dans sa subjectivité.
L’Etape Insertion, c’est une structure humaine, la place est donnée aux équipes dans la réflexion, la décision, dans les grandes orientations de la stratégie. Les travailleurs sociaux, on les associe avant de répondre aux appels à projet.
La participation de l’équipe aux décisions, un truc de fou, une couleur participative, c’est de la démocratie. A L’Etape, on a la parole et on écoute notre parole.
Je retiens à l’Etape Insertion : le débat contradictoire, des joutes verbales. Quand je suis arrivé, ça m’a fait un peu flipper… « Est-ce que je vais pouvoir me poser et exposer en restant calme…? »
Finalement, on attend que le travailleur social se positionne dans son travail ! Les 2 côtés jouent le jeu : entre travailleurs sociaux, avec les gens, avec la direction. Ca m’a fait grandir dans mon positionnement : j’avais du mal à dire non, j’ai appris.
Parfois, le débat contradictoire peut être fatigant notamment pour un assistant social comme moi qui est plutôt dans « le faire ». Les directions choisissent les appels à projets pour garder l’activité même si on résiste, mais ce qui reste au centre, c’est le débat sur la qualité.
La Direction est profondément humaine : le directeur, les chef.fes de service, ce sont des gens qui viennent du terrain, tu le sens, y’a des vraies valeurs, ils sont là pour les gens.
Même la DG : elle mène la bataille avec nous, c’est pas que des paroles ! Le Conseil d’administration a demandé à ce que les personnes hébergées siègent dans cette instance, le président est complètement à fond dans le truc, c’est génial. Ca se retrouve à tous les niveaux ! Ce même engagement partout !
Alors, je pars pour un autre projet perso mais je pars le cœur lourd…
Aujourd’hui, j’ai aussi de la colère, c’est bien qu’on se mobilise en asso, dans la rue, la DG, le président, le siège, la responsable qualité dans la rue… J’ai le sentiment qu’on lutte ensemble ! Il ne faut pas qu’on perde ça ! C’est tellement sain de dire que t’es dans une asso qui pose les coudes sur la table.
Le contexte des législatives avec la montée en puissance de l’extrême droite me glace le sang. L’Etape fait de la résistance. On tient le bouclier malgré tout, on arrive à tenir. La direction nous dit : « On ne va pas s’épuiser, on va lâcher ça… ». On ne nous dit pas : « Il faut réduire les durées de séjour. Point. ». On cherche ensemble des solutions.
« T’arrives ici, t’es au centre, t’es pleinement partie prenante ! »
Je veux rendre la pareille sur l’accueil : arriver sur un poste c’est énormément de stress, de pression, on a tendance à l’oublier. On m’a accueilli de manière extra, je veux transmettre les valeurs de l’Etape, transmettre la bienveillance !
Je veux qu’elle se sente entendue, respectée en tant que personne. J’ai envie de faire briller l’ADP, la synthèse nos commissions internes : emploi, culture, informatique,…
Mais, je sens qu’elle va s’éclater ! La cheffe de service ne recrute pas seulement un technicien mais quelqu’un qui peut avoir la « couleur Etape ». Lui laisser ma place, c’est top !
Je remercie tout le monde : mes collègues m’ont transmis, m’ont fait évoluer sur le champ pro et aussi grandir sur le terrain perso. J’ai eu mes 2 enfants, tout ce que je vivais en famille… sur mon rôle de papa, des questions perso…, je les ai partagées avec eux.
Témoignage de *Julien (prénom changé pour l’article) recueilli en juin 2024. Prénom de *Valérie aussi changé pour la confidentialité.
Septembre 2024