Merci à Françoise et Luc, bénévoles pendant 20 ans à L’Etape Insertion, dans le réseau de réinsertion des personnes détenues !
Pendant 20 ans, ils ont accueilli des personnes détenues en fin de peine, pour faciliter leur réinsertion. Aujourd’hui, Françoise et Luc tournent une page de leur vie en terminant leur activité professionnelle, et en mettant fin à leur bénévolat. Après ? … probablement d’autres aventures !
On avait 3 enfants, entre 2 et 12 ans, notre ferme de production laitière en bio. Autant dire, qu’on était bien occupé. Mais un jour, on a croisé la route de Christophe, coordinateur des familles d’accueil bénévoles de L’Etape Insertion…
On n’avait jamais fait de bénévolat mais on avait des convictions ! Ces gars vont sortir, revenir dans la société, si on ne fait rien, ils vont replonger. Peut-être qu’on peut apporter notre pierre à l’édifice. Chez nous, ils vont voir autre chose pour reconstruire, remettre le pied dans la société…
A 16 ans, j’avais été marqué par une parole de Robert Badinter « je suis qui pour juger ? ». Le jugement se fait au niveau de la justice, mais moi en tant qu’individu, je ne peux pas décider qui éliminer. Sinon, la société n’a plus de sens.
Ce n’est que 3-4 jours tous les 3 mois, alors ça va. Mais c’est vrai que les premiers accueils, c’est un peu lourd car on découvre tout. En tout cas, on ne s’est jamais posé la question pour nos enfants. On avait confiance en Christophe, et les autres éducateurs. C’est plutôt nos enfants devenus adultes qui s’inquiètent pour nous maintenant !
Je m’attendais à un gars tatoué, un grand baraqué, avec un regard qui nous ferait peur. En fait, c’était un petit monsieur, avec ses deux sacs, tout timide, c’est lui qui avait peur !
Le point commun entre elles, c’est qu’elles ont toutes eu des problèmes familiaux, un choc dans l’enfance : alcool des parents, inceste, enfants placés, abandon, pas d’affection, pas de scolarité, grande pauvreté. A un moment, ils ont basculé du mauvais côté.
En tout cas, ils n’ont jamais été agressifs avec nous et les enfants. Certains pouvaient avoir des paroles vulgaires, sexistes, essayaient un peu l’emprise. Mais on n’a jamais eu de problèmes, jamais d’agression physique, d’insulte. Quand c’était tendu, on savait que L’Etape Insertion était toujours là, 100% du temps…
Ils nous prennent pour des héros « pourquoi vous m’accueillez chez vous ? ». Alors, ils ont du respect pour nous.
Mais, on n’est pas plus fort que d’autres, on n’a pas besoin d’avoir fait de grandes études !
En fait, ce qu’il faut savoir, c’est que ce n’est pas n’importe quelle personne détenue qui vient chez nous : il y a une sorte de sélection. D’abord, ils doivent faire un dossier, avoir des entretiens, montrer des signes de réinsertion possible… S’ils sont trop loin, ils ne pourront pas aller dans une famille d’accueil.
Quand ils viennent, c’est comme s’il y avait un accord de bonne conduite.
C’est impératif de le préparer et d’être accompagné par Aurélie [coordinatrice à L’Etape Insertion] :
En tout cas, le contrat habille le temps : tout le monde signe et sait ce qu’il y a dedans. C’est un engagement, même si c’est d’aller dans un supermarché.
On leur fait surtout la réserve de café !
Il faut être bien à l’écoute, car on sent que c’est important pour eux. Ils nous regardent d’une manière « écoute- moi ». On est les premières personnes dans le cheminement de la détention, dans le rayon de la justice. Quand ils rencontrent les pros, ils vont peser ce qu’ils vont dire, avec nous c’est différent : la parole peut se libérer, ils nous parlent différemment.
On fait le premier repas tous ensemble avec les éducateurs. Et ce premier moment est très important car la personne détenue nous dit ce qu’elle a fait (ce n’était pas le cas au début de FAMAC). Au début, je n’étais pas pour, mais en fait ça le libère… Et comme je disais à mon père « ils n’ont pas volé des oranges ! ».
On a repéré qu’ils aiment se balader aux alentours, ou juste s’asseoir dehors, regarder la télé tranquillement. Souvent, ils veulent aller dans les magasins, s’acheter des vêtements. Parfois, on les emmène à la mer, au Mont St Michel, on fait un plateau de fruits de mer, on cuisine ensemble…
Ils cherchent le repos, le calme, l’échange avec nous, à manger mieux. Parfois, ils sont maigres. Au début, ils ne prennent que du café, puis du potage, puis du pâté, puis des sardines écrasées. On est content ! En fait, quand ils rentrent en prison, ils sont déjà dans la précarité sociale, de santé. Nous, on refait vie avec eux, on réapprend à vivre, des trucs du quotidien… Aller voir les vaches ça fait un lien, pareil pour notre chat.
Ils ne gardent pas souvent un contact après la famille. Les sortants de détention veulent passer à autre chose, tirer un trait.
[Luc] On a accueilli V. Il avait une bonne instruction, était équilibré, sportif. Il avait 2 enfants. Il avait appris la guitare à l’un de nos fils. On sait qu’il avait eu des problèmes financiers, puis l’alcool et des violences sur sa femme et ses enfants. Aujourd’hui, il est sevré, il est en Bretagne , il a fini sa formation.
[Françoise] C’est vrai qu’il avait une joie de vivre, on a eu beaucoup de discussions. Il est venu biner nos maïs comme quelqu’un de la famille qui serait venu en vacances. C’est un accueil qui nous a reboostés, qui était joyeux !
[Luc] S., le dernier qu’on a accueilli était à l’opposé de moi. Il était issu de milieu gitan, sa mère était alcoolique, il était très croyant mais il était vivant ! Ce qui l’a fait tenir, c’est ses croyances. Il était attachant. On avait envie de l’aider.
On va céder l’exploitation et être en retraite ; on n’aura pas la tête à ça. On est plus fatigué. On n’est plus assez dans l’écoute. Il faut être disponible, être dans l’échange, on en échange tous les 2, on analyse, on en reparle avec les éduc’. Ça nous travaille. Ca demande une attention, de l’énergie d’héberger quelqu’un qu’on ne connaît pas. Ca passe par : « va prendre une douche… tu ne veux pas que je lave tes vêtements ?… il est 11h30 pourquoi il n’est pas encore réveillé ?… » …. On est fatigué après les 3 jours d’accueil.
Ca nous apporte beaucoup. On apporte pour la société, des petites choses. Ils ont fait des conneries, et ça les aide… Les accueillir, ça compte dans la réinsertion, ça compte de faire ça, c’est le petit plus ! Et si on aide, on peut éviter une victime. C’est du détail de savoir faire des courses dans un magasin, mais c’est plus doux en sortant de prison.
[Luc] J’ai toujours défendu que ça fait partie de la réinsertion, c’est vraiment efficace ! Aujourd’hui, on a tendance à mettre tout le monde en prison, mais la réinsertion c’est possible.
Au début, on s’était mis trop d’idées dans la tête : ça va les aider à trouver un travail, une maison,… mais c’était trop haut. En fait on a apporté ce qu’on pouvait apporter sur le moment… Et s’ils en tiraient quelque chose, tant mieux.
On comprend mieux les autres, beaucoup de gens qui ont fait des bêtises ont eu une vie tellement différente de la nôtre, ils n’ont pas eu de fondations. On a aussi découvert leur vie en prison : le travail, la débrouille, le bruit permanent dans ces vieux bâtiments…
Si vous vous posez des questions, venez rencontrer d’autres familles qui en font…. et donc contactez Aurélie Grasset coordinatrice au 06 87 09 20 62 a.grasset@letape-association.fr !
Janvier 2025